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Le naturel a un prix

Dernière mise à jour : 5 avr. 2020

C’est en publiant des photos de Sonara dans sa combinaison d’hiver, aujourd’hui, que j’ai eu l’idée d’écrire cet article. En le publiant, j’ai senti le besoin de justifier le fait que je l’habillais de la tête aux pieds pour sortir dans cette première tempête de la saison. Pourquoi? Pour éviter de me faire crucifier sur la place publique, car nous sommes dans une recherche du naturel quasi excessive, chez les animaux. Tout ce qui n’est pas naturel est mal vu et vivement critiqué. Parfois, je suis vraiment d’accord, d'autre fois, j’appelle au cas par cas et à la modération. J’ai déjà été de ce genre… c’est tout noir ou tout blanc, il n'y a qu'une réponse possible. Mais j’ai appris, avec le temps, que pour bien des situations (pas toutes) la réponse se trouve dans les tons de gris. J’ai donc ressenti le besoin d’en parler, parce que je pense qu’il serait temps de mettre fin au dogme, et d’apprendre à prendre des décisions réfléchies selon l'individu pour lequel on les prend. Car tous les êtres vivants sont des individus à part entière et chaque être, même de la même espèce, est bien différent de l’autre et ne réagit pas forcément de la même façon à une situation donnée. Bien entendu, la base de leur organisme fonctionne bel et bien de la même façon, mais chaque individu ne réagit pas de la même façon à une médication par exemple.




On a longuement accepté un mode de vie très artificiel chez les chevaux, et récemment, on s’est rendu compte que beaucoup de ce que nous pensions acceptable était en fait néfaste pour nos chevaux; * Le box 24/7 nuit au développement physique du cheval, affaiblit son squelette, nuit à sa santé mentale, etc. * La couverture nuit à l’isolation naturelle de l’animal, car elle empêche son poil de se relever et de faire son travail isolant *Les grains acidifie l’estomac et cause souvent des ulcères gastriques et peut aller jusqu’à augmenter les chances de développer des stéréotypies * L’isolation sociale et le manque de stimulation mental causent du stress et sont très néfastes pour le cheval. Encore une fois, cela augmente les risques de stéréotypies (mais ces dernières ont également des racines génétiques)



Bref, nous avons découvert beaucoup de données qui nous permettent d’améliorer la qualité de vie de nos chevaux. Je suis profondément pour rendre la vie de nos animaux le plus naturel et le plus près de leur besoin physiologique possible. Mais pas de là à en faire souffrir l’animal. Je m'explique:

- La nature est impitoyable : les animaux qui y vivent font face à beaucoup plus de stress qu’on peut le croire; du stress physique (condition météo difficile, manque de nourriture, etc.) ou psychologique (peur, état d’alerte quasi constant (proie), compétition sociale, etc.). La vie dans la nature, ce n’est pas facile, alors calquer 100% de la nature n’est pas forcément la meilleure option.

- Les chevaux sont dénaturés : nous avons joué avec leur génétique, fait des sélections et de la reproduction selon nos besoins. Ce qui fait que nous avons retiré certaines caractéristiques rustiques nécessaires à leur survie et leur bon fonctionnement en nature. Dans les zones froides et difficiles comme le Nord canadien, l’écosse et l’Islande, les chevaux ont évolué pour être petit et trapus afin de nécessiter moins de ressources alimentaires et mieux survivre a l’accès restreint à la nourriture en hiver. Alors un Hanovrien ne pourrait probablement pas survivre dans cette nature-là…

- On a exporté les chevaux dans un milieu différent : les chevaux voyagent… Un petit cheval arabe, qui a évolué pour vivre dans la chaleur et le désert, n’est pas aussi bien équipé pour le froid Abitibien qu’un Cheval Canadien par exemple. Il faut penser que si l'on se fit à l’évolution… un Arabe n’est pas fait pour vivre ici… et pourtant il y est.

- Chaque individu est différent : un jeune animal, un animal malade ou encore un animal âgé n’aura pas la même tolérance au froid ou à la chaleur qu’un animal plus jeune et en pleine santé! Mais même à cela, certains individus, comme chez les humains, ont une tolérance plus ou moins grande à certains facteurs. Chaque individu est différent.




Bien entendu, on entend souvent, laisse-le faire et il va s’habituer. Parfois, c’est vrai et parfois non. Encore une fois, c’est du cas par cas. Il faut être attentif aux besoins de chaque cheval. Certains n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour s’adapter convenablement à un tel climat. Il faut aussi bien le faire; laisser un animal qui a toujours été au box dehors sans protection du jour au lendemain va lui causer une énorme quantité de stress physique et psychologique et on ne veut pas ça. Bien sûr, il va s’adapter, mais à quel prix? Nous avons la chance de pouvoir offrir plus que ce que peut la nature parfois. Sommes-nous supérieurs à la nature? Absolument pas, mais est-ce que la nature est parfois dure et imparfaite => oui! Si nous pouvons créer une adaptation plus progressive et moins stressante, alors pourquoi pas? Nous pouvons nous le permettre!




Ma jument est un de ces cas de gris : c’est une Canadienne, relativement bien en santé, jeune, fringante, bien en chair et qui a toujours vécu dehors, avec l’utilisation du box les nuits de mauvais temps et en hiver. Elle est donc parfaitement adaptée à nos hivers de par génétiquement et de par son mode de vie habituel… mais pourtant… Sonara a développé de l’insulino résistance et un syndrome métabolique équin, mais on est sans Cushing pour le moment (fiouf). Depuis un moment, je jongle avec des problèmes de fourbures qui ne répondent pas aux traitements habituels; l’hiver 2018, elle a reçu assez de butazone pour lui en bruler l’estomac (littéralement… merci oméoprazole) et l'on était au mois de février, en plein froid, alors pour la glace, c’était un traitement naturel de dame nature toute la journée… et pourtant, elle était dans une telle douleur qu’elle passait toute sa journée couchée. En plus de passer a un cheveu de faire une colique de stase tellement elle ne mangeait pas. Ceux qui connaissent le Canadien savent qu’ils ne manqueraient un repas pour rien au monde… On a fini par se rendre compte qu’elle avait tellement mal qu’elle ne mangeait presque plus et s’isolait des autres pour être certaine de ne pas se faire pousser. On a dû la séparer, la nourrir couchée, l’habiller, car sans beaucoup manger ni bouger, elle ne pouvait se réchauffer convenablement. Botte spécial fourbu et bande de repos, car elle est très campée et j’avais peur qu'elle finisse par faire un claquage. 6 mois plus tard, elle va mieux, aucune séquelle osseuse au niveau des pieds et ses phalanges reviennent a un angle normal.




Hiver 2019, encore une fourbure, fin janvier cette fois… La panique s’installe, si elle fourbe ainsi tous les ans et qu’elle est en douleur extrême 6 mois par an, quelle qualité de vie a-t-elle… Je commence à m’interroger sur son avenir, mais je nous donne un autre hiver pour voir comment cette attaque progressera. Entre-temps, j’avais lu un article du Dre. Kellon, sur les fourbures d’hiver… L’idée a fait son chemin et j’ai commencé à me demander si cela en était la cause. Ses fourbures sont toujours en hiver et ne répondent pas au protocole de traitement habituel (fait pour les fourbures inflammatoires)… J’en parle avec mon vétérinaire, il trouve la piste extrêmement logique aussi… On met en place le protocole de fourbure d’hiver du Dre. Kellon => bottes + bas de laine, bande de repos TOUS LES JOURS sans exception tant qu’il fait froid, couverture d’hiver (son corps est déjà en choc, alors on essaie de ne pas le stresser encore plus en lui demandant de gérer le froid extrême). Elle est 100 fois mieux que l’année précédente! Je commande également le jiaogulan (herbe chinoise) ainsi que l’arginine recommandée par le Dre. Kellon, j’étais franchement prête a essayer tout et n’importe quoi à ce stade, pour éviter le pire. Effet positif instantané! Les sabots de Sonara recommencent a être tiède (avant ils étaient froids!), elle est plus confortable, se déplace mieux et a plus d’énergie! J’essaie aussi le supplément de magnésium (protocole de : https://www.gravelproofhoof.org/magnesium), comme je dis, rien à perdre et une fois encore, une belle amélioration de l’état de ses pieds et avec le temps, ses plaques de gras ont diminué doucement sur son dos. Cette fois, elle a pu rester avec les autres au pré, ne se couchait pas plus que d’habitude dehors (peut-être un peu plus dans son box la nuit, sans plus), elle est restée avec une bonne attitude et ne semblait pas déprimée et en douleur extrême comme l’an dernier.




Qu’est-ce que ça implique? Magnésium et jiaogulan tous les jours à vie et arginine dans les mois froids d’hiver… Pour toujours! En plus de cela, tous les hivers, elle devra être couverte de la tête aux pieds afin d’éviter que la fourbure ne se développe. En gros, ses problèmes métaboliques ont possiblement affecté sa circulation sanguine et sa capacité à gérer les stress externes. Donc, elle doit recevoir de l’aide. Pourtant elle ne semble pas malade, elle ne grelotte pas dans le froid, elle est en forme, active, encore jeune, et pourtant... si je m'étais bornée à ce qu'elle "vive comme un vrai cheval" on aurait pas trouver son problème.




Voici un autre cas; le cheval arabe de mon ami est frileux, elle pourrait peut-être le laisser « endurer » pour le rendre plus tolérant… mais en même temps, c’est un arabe. Clairement pas une race qui a évolué pour résister au froid, il adore être en box et en plus en vieillissant, il a développé des problèmes sévères d’arthrose et il est heureux de se coucher dans un box douillet durant la nuit. Il sort dehors tous les jours, et ce, le plus longtemps possible, mais lorsque la pluie est froide ou lorsqu’il fait particulièrement froid, il a besoin d’une couverture, sinon il grelotte. Grelotter est un mécanisme naturel certes, mais c’est preuve que le corps est soumis à un gros stress thermique. Si ce n’est pas nécessaire, pourquoi laisser un cheval endurer cela? Pensez simplement à comment vous vous sentez lorsque vous avez froid au point de grelotter? Non, vous n’allez pas en mourir, mais c’est extrêmement fatigant et inconfortable.




Bref, je pense qu’effectivement, on doit adapter notre mode de vie pour mieux s’adapter aux besoins qui sont spécifiques à l’espèce équine (besoin de mouvement, socialisation, sécurité, abris des intempéries, manger une grande partie de la journée, etc.) parce que ce sont leurs besoins innés qui comptent avant notre besoin de faire le moins d’efforts possible. Nous devons absolument leur permettre d’exprimer le plus de comportements naturels possible. Mais copier la nature à 100% n’est pas forcément leur rendre service. Lorsqu’il fait -40c et qu’il neige à ne plus voir 100m devant soit, la plupart des chevaux sont plus qu’heureux d’avoir un endroit avec 4 murs, de la nourriture et un lit douillet et chaud pour se coucher. Je préfère, de loin, la stabulation libre au box, car elle permet aux animaux de décider eux-mêmes de quand ils entrent et sortent, mais un box n’est pas la fin du monde pour la nuit, et une couverture est meilleure que rien du tout si l’animal doit absolument rester dehors par ce temps avec un simple abri 3 faces. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que les chevaux vivant dehors sans couverture ne sont pas bien, certains sont parfaitement adaptés à cela! Mais pas tous et il est important de s’en rendre compte. Le cas par cas les amis, le cas par cas!! Il faut parfois faire des compromis.




J’aimerais finir en disant que tout le monde fait de son mieux avec leurs chevaux ( OK… presque tout le monde) et qu’il serait important de prendre part a une conversation civilisée sur les motifs d’usage de chose « moins naturel » avant d’insulter les gens et de les traiter de tout et n’importe quoi. La vie n’est pas que toute blanche ou toute noire et bien que beaucoup aient des convictions très bornées sur la façon de traiter les chevaux, aucune raison n’est valable pour insulter les gens et être irrespectueux (appart s’il néglige vraiment leur animal, là OK… c’est autre chose… négligence grave, pas ce que vous jugez comme bien ou mal. Et encore, ça ne fera pas avancer la cause, mais je sais que parfois il est difficile de rester impassible). Le fait que quelqu’un mette ou ne mette pas une couverture à son cheval en temps de froid ne veut pas dire que son animal n’est pas bien… Certains tolèrent très bien le froid et d’autres non, alors avant de juger une personne, parlez avec elle de ses motifs, de façon civilisée. Après, en connaissance des motifs, vous pourrez juger de la situation. Mais s’il vous plait, cessez de sauter aux conclusions et de penser qu’il n’y a qu’une façon de faire qui est bien, car ce n’est pas le cas! Et cette étroitesse d’esprit est aussi nocive que celle du « camp adverse » .





Liens utiles pour ceux qui aimeraient en apprendre plus sur les sujets dont j’ai parlé à propos de la fourbure de Sonara

Le site du Dre. Kellon, la page Facebook ainsi que le groupe de soutien d’urgence (lors de crise de fourbure)

Pour tous ceux qui aimeraient avoir du soutien ou de l’aide en français, venez me parler, il me fera plaisir de vous aider de mon mieux.

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